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            Début janvier 2022, le Kazakhstan fut secoué par une série de contestations populaires, à Almaty et dans la capitale Nur-Sultan. Ces manifestations font suite à une décision gouvernementale de retirer les subventions sur le prix du gaz naturel liquéfié (GNL), ce qui a fait considérablement augmenter les prix[1]. Les protestations se sont transformées en émeutes, nécessitant l’intervention des forces de l'ordre kazakhes et celle des pays membres de l'OTSC (Organisation du traité de sécurité collective), avec le soutien de la Chine[2].

            En tant que voisin, partenaire et allié à la fois de la Russie et de la Chine[3], le Kazakhstan est effectivement un des pays membres de l'OTSC, créée en 1992, composé de la Russie, de la Biélorussie, de l’Arménie, du Kirghizistan et du Tadjikistan[4]. À l’instar de ses voisins chinois et russe, le Kazakhstan fait partie de l'Organisation de Coopération de Shanghai et demeure donc aussi une préoccupation pour Pékin. Pour Moscou, l’objectif est le rétablissement de l'ordre dans le pays et la stabilité régionale[5].  La position stratégique du pays - proximité avec l'Afghanistan, présence du cosmodrome de Baïkonour avec ses fusées et satellites russes, pays de transit pour la Route de la Soie- représente un des principaux motifs de l'intervention de l'OTSC et du soutien chinois au gouvernement de Nur-Sultan[6].

Ressources du Kazakhstan

            En outre, le Kazakhstan dispose de nombreuses ressources, autres que le pétrole et le gaz[7]. En effet, le pays est leader mondial avec environ 40% de la production d'uranium en 2017, dont il possède les deuxièmes plus importantes réserves globales - estimées à environ un milliard de tonnes[8].  Quant aux gisements de chrome, le Kazakhstan se situe au premier rang mondial par la possession d’un tiers du total exploitable, tandis que pour le plomb et le zinc, il est au sixième rang avec 5 % des gisements planétaires[9]. En ce qui concerne le fer, le manganèse, le cuivre, le tungstène, la bauxite, l'étain, le charbon, le cobalt, le titane, l'or, le molybdène, métaux utilisés par les industries de haute technologie, les réserves « prouvées » classent encore le pays dans les dix premiers mondiaux[10].

          Enfin, ayant attiré des producteurs de bitcoins du monde entier ces dernières années, il demeure aujourd'hui une place forte du « mining » de la cryptomonnaie et ce, malgré les inconvénients de cette production - pannes d'électricité de plus en plus fréquentes dans le pays[11].

            Mis à part les atouts miniers et énergétiques importants, c'est encore la position géostratégique du Kazakhstan qui explique les causes ainsi que le déroulement des événements récents, savoir les émeutes populaires et interventions extérieures. En effet, au moment où une crise diplomatique historique entre l’Ukraine, la Russie et les USA-UE pourrait déboucher sur un conflit armé, il est gênant d’avoir un voisin précieux devenir un partenaire instable.

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            Après la route des Balkans, une nouvelle route migratoire vers l'Europe occidentale devient préoccupante : celle depuis la Biélorussie.

            Depuis l'été 2021, les gardes-frontaliers lituaniens, lettons et polonais assistent à un afflux toujours grandissant de migrants franchissant illégalement leurs frontières[1]. D'après les autorités des trois pays membres de l'UE, la majorité des migrants viennent du Moyen-Orient (Irak, Syrie, Yémen) et d'Afrique subsaharienne, et arrivent en Biélorussie par avion, soit depuis Moscou, soit depuis le Moyen-Orient, à des prix avoisinants des milliers de dollars, avec l'aide des agences de voyages et autorités biélorusses délivrant les visas[2].

Les soldats polonais visés par des lasers

            Les pays européens dénoncent ces pratiques comme une "guerre hybride" orchestrée par Minsk, visant à déstabiliser l'UE. Et ce, en réponse aux sanctions européennes mises en place après les contestations des élections de 2020 réprimées par la police, et au détournement de l'avion Ryanair Athènes-Vilnius vers Minsk en mai 2021[3].

            Afin de protéger les frontières extérieures de l'Union européenne et de contenir ces flux migratoires, la Lettonie et la Lituanie ont décrété l'état d'urgence, et commencé les travaux de construction de murs le long de leurs frontières avec la Biélorussie[4]. Concernant la Pologne, outre l'état d'urgence décrété dans toutes les communes frontières avec la Biélorussie, les autorités ont renforcé les clôtures, ainsi que les présences policières et militaires le long de la ligne frontière (418 km)[5]. Récemment, à l'instar de la Lettonie et de la Lituanie, la Pologne vient d'approuver la construction d'un mur, qui commencera dès le mois de décembre de l'année 2021[6].

Les soldats polonais visés par des lasers

            On remarque aussi un soutien militaire de l'étranger, comme celui de la Grande-Bretagne qui a envoyé une équipe de 10 soldats pour soutenir leurs collègues, en matière de reconnaissance[7]. D'autres pays européens, comme la Tchéquie et la Lituanie, on récemment proposé de l'aide à la Pologne[8].

            Les pays voisins de la Biélorussie disposent de moyens diplomatiques pour tenter de pallier à cette crise migratoire. L'OTAN, les USA et les trois pays baltes (Lituanie, Lettonie et Estonie) ont fait part de leurs soutiens à la Pologne[9]. Des aides humanitaires dédiées aux migrants restés sur le territoire biélorusse ont été proposées par les gouvernements de Pologne et des pays baltes[10].

          La crise migratoire s'inscrit aussi dans un contexte purement géopolitique.

         Depuis les élections de 2020 qui furent contestées, les relations UE-Biélorussie se sont détériorées, avec la mise en place des sanctions européennes sur les officiels biélorusses[11]. En réponse à celles-ci, le président Loukachenko avait décidé de ne plus arrêter les migrants qui cherchaient à entrer en Europe via le territoire biélorusse[12]. En même temps, les forces militaires biélorusses et russes avaient organisé plusieurs exercices militaires le long de la frontière avec la Pologne et la Lituanie, comme ZAPAD[13]. Un nouvel exercice surprise s'est déroulé peu avant les affrontements du 15-16 novembre 2021 au poste-frontière de Kuźnica[14]. De nombreux témoins des gardes-frontaliers ont signalé la présence de commandos biélorusses, voire russes, parmi les migrants tenus pour civils[15]. Dans plusieurs endroits frontaliers, les policiers et militaires polonais ont subi diverses attaques : destruction de clotûre, jets de projectiles, usages de lasers aveuglants[16], etc.

            Derrière la crise migratoire, on assiste plus que jamais à la désinformation et aux pressions politiques et médiatiques[17]. Les médias se montrent de plus en plus anti-polonais, comme l’a démontré une fois de plus le cas du présentateur Azarionok sur la chaîne nationale CTV, équivalent biélorusse de la TF1 française ou de la RTBF/VRT belge[18].

            Les incidents à la frontière polono-biélorusse ne représentent donc pas seulement une crise migratoire, mais aussi un nouveau front géostratégique entre la Russie et l'Europe.

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            Après la Russie et la Chine, un nouvel acteur régional s'impose de plus en plus en Afrique : la Turquie. En effet, depuis les années 2000 et sur base d'un Plan d'action gouvernemental de 1998, les investissements économiques, infrastructurels, militaires et culturels turcs se sont multipliés sur l'ensemble du continent, bien au-delà des zones d'influence traditionnelles comme celle de la Méditerranée et de la Mer Rouge[1].

            Les autorités et entreprises turques ont observé un potentiel important à travers le marché africain et ont multiplié les contacts avec celui-ci, à travers plusieurs rencontres et initiatives.

            En exemple, celle de l'« année de l'Afrique » (2005), décrétée à Ankara[2].

D'ailleurs, en janvier 2008, l’Union africaine a déclaré la Turquie comme un partenaire stratégique de l’Afrique[3]. La même année, s’est déroulée à Istanbul, la première rencontre internationale sur la coopération Turquie-Afrique, marquée par des discussions bilatérales avec quarante-deux représentants d'États[4]. Elle succède à d'autres sommets organisés dans la même ville, comme celui du partenariat Turquie-Afrique (2005), qui s'est ensuivi de plusieurs autres, comme celui qui s'est déroulé à Malabo (Guinée-équatoriale) en 2014[5].

            La stratégie turque d'investissements sur l'Afrique repose sur trois piliers que sont : (1) le déploiement d’ambassades sur le continent (aujourd'hui on en compte 43, alors qu’elles n’étaient que neuf en 2003) ; (2) l’ouverture de lignes de la Turkish Airlines, qui dessert une cinquantaine de villes africaines ; et (3) l’action de l’agence TIKA, qui finance de nombreux projets dans les domaines du bâtiment, de la santé, de l’agriculture, etc[6]. L'Agence turque de coopération et de développement (TIKA) dispose de 30 centres de coordination à travers le continent[7].

            En plus du TIKA, il existe d'autres organismes impliqués comme le Conseil des relations économiques extérieures (DEIK), chargé des relations internationales du secteur privé turc, et la Confédération des hommes d’affaires et des industriels de Turquie (TUSKON), regroupant près de trente mille sociétés ainsi que cent cinquante organisations locales de commerçants[8].

            Parmi les investissements turcs actuels, on peut citer la plus grande aréna de l'est africain située au Rwanda (Kigali Arena), une mosquée nationale au Ghana, une base militaire en Somalie (TURKSOM), ainsi qu'un projet ferroviaire de 400 km reliant l'Éthiopie au port de Djibouti (Awash-Weldiya)[9]. Au Sénégal, les entreprises turques travaillent à la construction d’une nouvelle ville près de Dakar ainsi qu’à celle d’une ligne ferroviaire. Elles ont même obtenu la gestion du nouvel aéroport international de Dakar, inauguré en 2017[10]

            Les sociétés turques investissent également dans les ressources naturelles, les hydrocarbures, l'agriculture et l'industrie[11]. Comme le Nigéria et la Somalie, l'Angola est convoité grâce à ses gisements gaziers et miniers[12].

            Les ventes d'armements (drones militaires d’attaque) sont aussi florissantes, comme au Nigeria qui est en proie à Boko Haram[13]. Même avec le Niger voisin, la Turquie avait signé un accord de défense en juillet 2020[14]. Le pays étend par ailleurs sa coopération dans le domaine éducatif et les secteurs socioculturels[15].

            Enfin, la Turquie investit encore dans le domaine alimentaire : l’Afrique représente ainsi 10 % des ventes agricoles et alimentaires de la Turquie dans le monde[16].

            D'après les statistiques, le volume des échanges d'Ankara avec le continent africain est passé de 5,4 milliards $ en 2003 à plus de 25 milliards $ en 2020[17]. L'Institut Espagnol de Commerce Extérieur (ICEX) a indiqué que la Turquie a déjà conclu dix accords de libre-échange - portant sur l'élimination des droits de douane et des taxes sur les échanges de biens et de services entre la Turquie et ses partenaires - avec les pays africains : l'Égypte, le Maroc, la Tunisie, la Côte d'Ivoire, le Ghana, la Somalie, le Rwanda, le Mozambique, l'île Maurice et le Soudan (en cours de ratification)[18]. D’autres négociations sont actuellement en cours avec la République démocratique du Congo, les Seychelles, le Cameroun, le Tchad, la Libye et Djibouti. La Turquie explore aussi des possibilités d'accord de libre-échange avec l'Algérie et l'Afrique du Sud[19].

            Les investissements turcs sont promus et appuyés à l'occasion de multiples visites ministérielles et présidentielles dans les pays africains[20]. En seule qualité de premier ministre et d’actuel président, Erdogan a visité 30 pays africains depuis 2004[21]. Récemment, il s'est rendu en Angola, au Nigeria et au Togo, du 17 au 21 octobre 2021[22]. Un mini-sommet s'est aussi déroulé le 19 octobre à Lomé, entre Erdogan et ses homologues togolais, burkinabè et libérien[23].

            Inversement, les dirigeants et les entrepreneurs africains travaillent à mieux atteindre le marché turc et à coopérer davantage avec les sociétés turques, en tant qu'acteurs alternatifs à l'Europe[24]. Pour cette raison se sont tenus le Forum africain sur l’investissement en Turquie, organisé en juin 2021[25], puis en octobre 2021 à Istanbul le 3ème Forum économique Afrique-Turquie (Turkey-Africa Business Summit), au cours duquel une trentaine de ministres africains ont participé[26]. Un troisième sommet Turquie-Afrique est prévu en décembre 2021[27].           

            Les investissements futurs demeurent principalement économiques, énergétiques, infrastructurels, mais restent aussi centrés autour de la culture, des affaires religieuses et du domaine médical.

            Jusqu’à nos jours, des aides en matière de fournissement d'appareils et d'équipements médicaux ont été fournies à 44 pays africains[28]. Des hôpitaux ont été inaugurés par les investisseurs turcs, dont deux dans les pays du Sahel ; l’un à Bamako (Mali) et l’autre à Niamey (Niger)[29]

            Dans le Sahel, les sociétés turques travaillent à la construction d’une mosquée destinée au Haut conseil islamique du Mali à Bamako, ainsi que sur la restauration de la Grande mosquée d’Agadez dans le Sahara nigérien[30]. Au Sénégal, des mosquées sont aussi financées par la Turquie[31]. Même les pays de la Mer Rouge restent dans le collimateur ; c’est le cas du Soudan avec le port de Suakin -situé juste en face du port de Jeddah (Arabie Saoudite)-, aujourd'hui géré par Ankara grâce à un bail emphytéotique accordé par Khartoum[32]. En plus de restaurer le patrimoine architectural et historique du lieu, Ankara vise à faire de Suakin une nouvelle zone touristique et de transit à destination des pèlerins musulmans[33]

            L'éducation reste bien de mise dans les relations turco-africaines, avec la participation du Diyanet (présidence des affaires religieuses), de la Fondation Maarif (TMV) et de l’Institut Yunus Emre (YEE)[34]. Comme Erasmus en Europe, la fondation Maarif dispose d'un Programme international, ainsi que d'un Programme d'éducation préscolaire[35]. Puis, à l'instar des instituts linguistiques européens (Goethe pour l'allemand, Cervantes pour l'espagnol), la Turquie dispose de l'Institut Yunus Emre qui organise des travaux d’enseignement de la langue turque aux étrangers dans des centres fondés à l’étranger. Elle contribue aussi aux travaux scientifiques, et gère des activités culturelles et artistiques dans le but de représenter le pays même[36]. De nos jours, il existe tout un réseau d’écoles et de lycées turcs dans les pays africains, en l’occurrence au Nigeria, au Kenya, au Ghana, en Afrique du Sud, avec des projets d’expansion en Angola, Zambie, Zimbabwe et à Maurice[37].

            Les investissements turcs en Afrique représentent une concurrence pour l'Europe en général, mais aussi économiquement pour la Chine et militairement pour la Russie[38].

            D'ailleurs, d'autres acteurs régionaux comme l'Inde, le Japon et le Brésil tentent d'entrer plus profondément sur le marché africain[39]. Lors d'une réunion du Comité économique conjoint turco-angolais, le ministre turc de l’Énergie et des Ressources naturelles Fatih Dönmez, a relaté que la valeur des investissements turcs sur le continent africain atteignaient les 6 milliards de dollars, et que le nombre de projets mis en œuvre par des entrepreneurs turcs en Afrique avait atteint les 1 500, soulignant encore que le volume économique de ces projets dépassait les 70 milliards de dollars[40].

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            Dans les médias, que ce soit dans les publicités, les reportages ou les journaux télévisés, un sujet particulier est fréquemment abordé : celui de l'énergie verte. En effet, avec des catastrophes naturelles comme celles des inondations ayant touché l’Allemagne et la Belgique (juillet 2021) ou encore les feux de forêts autour de la Méditerranée (août 2021), de plus en plus de responsables politiques brandissent l'urgence climatique[1], et insistent sur un usage progressif de l'énergie verte, en particulier celui des renouvelables (panneaux photovoltaïques, éoliennes) et des voitures électriques[2].

            Il est intéressant de noter que parmi les matériaux utilisés pour cette énergie alternative, figurent les terres rares, désignant un ensemble de 17 éléments chimiques (le scandium, l’yttrium et les quinze lanthanides) et devenues un élément incontournable pour de nombreuses industries de pointe (notamment le domaine militaire) et les technologies bas carbone (aimants des turbines éoliennes)[3]. Elles sont effectivement utilisées dans le domaine du numérique, par exemple l'indium pour les écrans tactiles, ainsi que le néodyme, le gallium, le dysprosium et le praséodyme pour les panneaux photovoltaïques, les éoliennes et les voitures électriques[4].

            Les propriétés de ces terres rares (grande stabilité thermique, conductivité électrique élevée, magnétisme fort) ont permis des gains de performance importants pour les technologies, tout en diminuant la quantité de matériaux consommés[5]

            Toutefois, la production minière de terres rares a quasiment triplé en 25 ans, passant de 80 000 tonnes en 1995 à 213 000 tonnes en 2019, et c'est la Chine qui domine la production (62 %), largement devant les États-Unis (12 %) ...et le Myanmar (10 %)[6]

           La Chine produit à elle seule 85 % des terres rares consommées en 2019[7].  

           Concernant la répartition des réserves comptées d’après les estimations de l’Institut d'études géologiques des États-Unis (USGS) : plus des trois quarts de ces réserves (donc jusqu'à 120 millions de tonnes) sont détenues par trois pays dans le monde : la Chine, le Brésil et le Vietnam[8]. Mais d’importantes réserves existent aussi en Inde et en Russie[9].

            L'extraction de terres rares présente cependant plusieurs inconvénients : toxicité des déchets, pollution des sols et des eaux (nappes phréatiques)[10]. De plus, selon le journaliste et spécialiste des terres rares Guillaume Pitron, auteur du livre La Guerre des métaux rares  (2018), pour un seul kilo de gallium, aussi utilisé dans les ampoules à basse consommation d’énergie, il faut ainsi excaver 50 tonnes de roche[11]. La Toyota Prius contient 1 kg de néodyme dans son moteur, en plus des 10 kg de lanthane dans sa batterie[12]. Concernant les éoliennes offshore, elles utilisent des moteurs à entraînement direct et nécessitent un alternateur à aimant permanent ; chacune d'elle contient environ 600 kg de terres rares (dysprosium et néodyme) par mégawatt de puissance[13].

            De surcroît, il existe deux autres problèmes, concernant cette fois la production et l'exportation/importation de ces ressources : (1) la criticité géologique des terres rares (par exemple leurs suffisances pour couvrir les besoins futurs), (2) la sécurité d’approvisionnement des pays consommateurs, que sont les États-Unis, l’Europe et le Japon en tête, au regard des questions géoéconomiques et des impacts environnementaux[14]

            En effet, les États-Unis et l'Union européenne travaillent à diversifier leurs sources d'approvisionnement en terres rares afin de réduire leurs dépendances vis-à-vis de la Chine[15]. Pour atteindre cet objectif, les USA ont relancé en mars 2021 la mine de Mountain Pass, abandonnée depuis les années 2000, tandis que l'UE souhaite créer une alliance pour sécuriser l'approvisionnement[16]. Par le projet Enviree financé par la Commission européenne[17], l’Europe a aussi exploré une autre piste pour accroître son indépendance : la valorisation des déchets issus des mines européennes pour produire des terres rares sur son territoire. 

           Toujours en Europe, du côté national, tout en misant sur le recyclage, deux gros projets miniers européens sont en cours d'étude (Norra Karr en Suède et Kvanefjeld au Groenland)[18]. Même en Grande-Bretagne, récemment sortie de l'UE, on construit une première grande usine de transformation de terres rares, précisément à Hull (nord de l’Angleterre)[19].

            Évidemment, les terres rares ainsi que les énergies vertes représentent un atout pour le monde numérique, mais elles sont progressivement devenues une nouvelle arme diplomatique ; comme précédemment le pétrole entre Occident, pays arabes et Russie.

Stacked metal plates of neodymium rare earth magnets

           Cette fois, il s'agit d'une nouvelle rivalité entre la Chine et l'Occident, qui exerce en l'occurrence un impact technologique sur leurs industries respectives (les cas de Huawei, de Google et de Tesla)[20]. La Chine avait déjà utilisé les terres rares comme moyen de pression sur le Japon en 2010, lors des tensions en mer de Chine orientale au large des îles Senkaku/Diaoyu, par une suspension des exportations de ces métaux de la Chine vers le Japon, qui a alors vu son industrie numérique temporairement privée de ressources[21].

           En 2013, un rapport du Congrès américain figurait ce constat : «Le quasi-monopole de la Chine [dans la production de terres rares, NDLR] risque de devenir une menace pour la sécurité nationale»[22]. Qui dit « énergie verte » dit donc bien « intérêt géopolitique ».

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            Depuis la reconnaissance de la marocanité du Sahara occidental, en échange du rétablissement des relations diplomatiques entre le Maroc et Israël, les médias officiels ont à nouveau abordé une ancienne rivalité régionale : celle existant entre le Maroc et l'Algérie[1].

            En effet, l'annexion du Sahara Occidental par le Maroc après le départ des Espagnols en 1975, avait débouché sur l'avènement du Front Polisario (abréviation espagnole de Front populaire de libération de la Saguia el-Hamra et du Rio de Oro) qui réclamait l'indépendance de cette ancienne colonie espagnole[2]. Or, l'Algérie avait reconnu la République arabe sahraouie démocratique (RASD), et cela avait débouché sur une rupture diplomatique avec le voisin marocain, de 1976 jusqu'en 1988[3]. Durant la même période, de 1975 à 1991, une guerre éclata entre le Maroc et le Front Polisario, soutenu par l'Algérie. Elle se termina par un cessez-le-feu[4].

            Malgré tout, les rivalités entre Algérie et Maroc n'ont jamais disparu et de nos jours, leurs contacts restent généralement réduits[5]. D'abord, les frontières terrestres sont fermées depuis 1994 puis, depuis fin aout 2021, l'espace aérien algérien est fermé aux avions marocains, et depuis septembre 2021, les relations diplomatiques rompues[6]. De plus, contrairement au Maroc, l'Algérie n'a jamais noué de relations avec Israël, et demeure un des états du monde les plus mobilisés pour la cause palestinienne[7].

Great desert Sahara, Morocco-Algerian border

                Ensuite, le gouvernement d'Alger accueille toujours les camps de réfugiés sahraouis dans la ville de Tindouf, ainsi que le quartier général du Front Polisario[8]. En novembre 2020, l'abrogation du cessez-le-feu par le Front Polisario, a abouti à une résurgence des tensions dans la région : échanges de tirs sahraouis avec les forces marocaines et tirs de drones ayant abouti à la mort de trois chauffeurs algériens[9].

            Cependant, derrière les tensions algéro-marocaines figurent d'importantes luttes d'influences à la fois politiques et militaires[10]. Traditionnellement, le Maroc en tant qu'«allié majeur non-membre de l’OTAN» (depuis 2004), est principalement fourni en armements occidentaux (France, États-Unis), alors que l'Algérie est fournie militairement par la Russie et la Chine[11].  En matière de chars, l'Algérie aligne entre 1 300 et 2 000 chars modernes de types T72 M1M ou AG et T-90SA, alors que le Maroc totalise 700 chars et atteindra, avec la livraison du contrat de chars Abrams, environ 1 000 tanks[12].

           Concernant les capacités aériennes, l’Algérie devrait être le premier client des nouveaux avions de chasse russe Sukhoï 57 «qui n’ont encore jamais été vendus à l’export»[13]. Tandis que le Maroc dispose de 73 chasseurs/bombardiers légers, dont les plus récents sont les 23 F16 acquis récemment. L'Algérie, quant à elle, dispose d'une flotte moderne composée de 58 chasseurs multirôles Sukhoï 30 MKA, d'une quinzaine de MiG29S et d'une quarantaine de bombardiers Su24[14]. Enfin, pour le système de défense anti-aérien sol-air, le Maroc possède des systèmes américains Patriot, tandis que l’Algérie, l’équivalent russe avec le système S-300[15].

            Plus que jamais, les dépenses militaires dans les deux pays augmentent d'année en année. Rien qu'en 2018, ils captaient 61 % des importations d’armes en Afrique[16].

           D'après les données statistiques de l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (SIPRI), l’Algérie a dépensé en 2019 plus de 10,33 milliards de dollars (9,7 en 2020) dans l’achat d’armement[17]. Toujours d'après le SIPRI, c’est le pays qui a le plus dépensé en Afrique (plus du quart des dépenses africaines), suivi du Maroc avec 3,76 milliards de dollars (4,8 en 2020)[18]

           Au Maroc, le projet de loi des finances 2022 prévoit une augmentation historique du budget militaire, principalement dédié à l’acquisition d’armes et au renforcement du personnel des forces armées marocaines, qui devrait passer de 4,295 milliards d’euros en 2021 à 4,8 milliards d’euros en 2022[19]. De son côté, le ministère de la Défense nationale algérienne sera doté d’un budget global de 1300 milliards de dinars, soit 9,5 milliards de dollars (8,35 milliards d'euros)[20]. Par rapport aux années précédentes, l'Algérie a augmenté son budget militaire de presque 80 milliards de dinars, à savoir l’équivalent de 590 millions de dollars (environ 519 millions d'euros)[21]

            Le Maroc et l'Algérie continuent de garder la tradition d'investir massivement dans le domaine militaire, en vue d'un leadership non seulement dans le Maghreb, mais aussi sur l'Afrique.

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            Depuis 2015, dans le contexte de crise migratoire en Europe, un nouvel acteur régional fait parler de lui : le groupe de Visegrád.

           Fondée dans une ville hongroise éponyme après la fin de la Guerre froide, en 1991, cette organisation inter-gouvernementale regroupant les quatre pays d'Europe centrale que sont la Pologne, la Tchéquie, la Slovaquie et la Hongrie, a constitué une coopération politique et économique étroite afin de mieux défendre les intérêts communs des pays membres à l’échelle européenne[1]

            À l'époque, les quatre pays aspiraient à surmonter leurs différends historiques, ainsi qu'à nouer et promouvoir des intérêts économiques, politiques et culturels, à travers la volonté et les travaux d'adhésion à l'Union européenne voir à l'OTAN[2]. Dans un premier temps, l’un des objectifs du groupe de Visegrád fut de stimuler les échanges commerciaux entre les pays signataires. Pour l'atteindre et le maintenir, les chefs d’État ou de gouvernement ont signé à Cracovie, le 21 décembre 1991, l’accord de libre-échange centre-européen (ALECE), entré en vigueur le 1er mars 1993[3]. Mise en place progressivement sur 5 ans, et élargi successivement aux pays de l’Europe du Sud-est (Roumanie, Bulgarie, Slovénie, Croatie), l’ALECE a été conçue comme une organisation de transition préparant à une adhésion pleine et entière à l’Union européenne [4]. Cela s'est réalisé au fil des élargissements de celle-ci en 2004, 2007 et 2013. Toutefois, cette organisation n'a pas totalement disparue : l'ALECE compte encore aujourd'hui des pays membres : tous les pays des Balkans occidentaux n’appartenant pas à l'Union européenne (Serbie, Bosnie-et-Herzégovine, Monténégro, Albanie, Macédoine du Nord et Kosovo) ainsi que la Moldavie[5].

            Même après leur adhésion à l’Union européenne, les États membres du V4 ont poursuivi leurs efforts pour parler d’une seule voix au sein de l’UE[6]. Comme le Conseil de l'Union européenne, le groupe de Visegrád est dirigé par une présidence tournante qui dure un an[7].

            Aujourd'hui sous présidence hongroise (2021-2022), le groupe continue à établir des liens spéciaux avec d’autres organisations régionales comme le Benelux, ainsi qu'à élargir le champ de leur coopération dans les domaines de l’énergie, du tourisme et/ou de la justice[8].

            Au fil des années, le groupe a organisé des sommets avec des pays tiers européens, comme la France, l'Autriche, la Bulgarie, la Croatie, la Roumanie, la Slovénie et la Lituanie, ainsi que les pays du Conseil nordique (pays scandinaves, Finlande et Islande)[9]. Même des pays comme l'Égypte, Israël et le États-Unis ont été invités[10]. À l'occasion des 30 ans du club, célébrés en Pologne, le président du Conseil européen, Charles Michel, était aussi invité[11]. Les dirigeants ont déclaré comme priorités du groupe la lutte contre le Covid-19, les questions migratoires et climatiques, puis les politiques étrangères et de voisinage de l'UE avec les pays comme la Russie, et ceux du Partenariat oriental lancé en 2009 par la Pologne ainsi que la Suède, et comprenant la Biélorussie, la Moldavie, l’Ukraine et les trois pays du Caucase du Sud (Arménie, Azerbaïdjan, Géorgie)[12]. Comme l'avant-dernière présidence polonaise de 2020-2021 le déclarait : le Partenariat oriental demeure l’une des priorités du groupe de Visegrád[13].

            En tant que « club souverainiste », le groupe de Visegrád reste un partenaire incontournable dans la sphère européenne, aux côtés d'autres coopérations régionales européennes comme le « Med 7 », composé des pays méditerranéens membres de l'Union européenne - France, Italie, Espagne, Portugal, Grèce, Chypre et Malte - et de la Nouvelle ligue hanséatique au nord - constitué des pays baltes, scandinaves (sauf la Norvège), des Pays-Bas ainsi que de la Finlande et de l'Irlande[14]. Même l'actuelle présidence slovène du Conseil de l'UE garde des liens étroits avec le groupe de Visegrád[15]. Pour celle-ci, hormis la reprise économique après la crise du Covid-19, ainsi que le soutien à l'adhésion des pays des Balkans occidentaux à l'UE, le groupe Visegrád reste toujours un partenaire important pour résoudre la crise migratoire causée, entre autres, par le désengagement militaire occidental (partiel ou non) au Mali et en Afghanistan, et pour la surveillance des frontières à la fois de l'espace Schengen et de l'Union européenne[16].

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            Douchanbe, capitale du Tadjikistan, 2021. Les pays membres de l'OCS (Organisation de Coopération de Shanghai) ont accepté l'adhésion de l'Iran[1]. Devenant le neuvième état membre de l'organisation militaire comprenant hormis la Russie et la Chine, l'Inde, le Pakistan mais aussi les pays d'Asie centrale (à l'exception du Turkménistan et de l'Afghanistan), l'Iran accroit sa position et celle de l'alliance sino-russe au Moyen-Orient[2]. En outre, l'Iran est un des pays de transit des nouvelles Routes de la Soie, qui relient la Chine à l'Europe via l'Asie Centrale, la Russie et le Moyen-Orient[3]. Ensuite, l'Iran avait récemment participé à plusieurs exercices navals dans l'Océan Indien avec la Russie et la Chine[4].

            Les actuelles sanctions occidentales sur l'Iran ont renforcé les relations de Téhéran avec l'Asie, et ce, au détriment des pays européens qui œuvrent malgré tout à maintenir les relations avec l'Iran[5]. Contrairement aux États-Unis et au Canada, les pays européens disposent toujours des missions diplomatiques à Téhéran, et n'ont pas totalement rompu leurs relations commerciales, et ce, malgré le caractère extraterritoriale des sanctions américaines[6]. La mise en place récente du mécanisme INSTEX par la France, l'Allemagne et la Grande-Bretagne en est la preuve[7]. Plusieurs pays d'Europe, dont ceux du Benelux, de la Scandinavie ainsi que la Finlande, se sont joint plus tard au mécanisme[8].

            Cependant, la Russie, la Chine et l'Iran ont accru leurs partenariats, non seulement militaires mais aussi économiques[9]. En effet, l'adhésion à l'OCS permet aussi à l'Iran d'avoir accès aux marchés des autres pays membres et de maintenir sa position énergétique sur l'Asie[10]. Les pays de l'OCS constitue «pas moins de 50 % de la population mondiale et plus de 20 % du PIB mondial»[11]. À l'instar des partenariats économiques avec la Chine[12], l'Iran a déjà signé un traité de libre-échange avec l'Union économique eurasiatique, comprenant la Russie, la Biélorussie et le Kazakhstan, ainsi que l'Arménie et le Kirghizistan[13]. Selon les statistiques, la Chine reste le premier partenaire commercial de l'Iran (24,8% du total des échanges pour l'année 2019-2020)[14]. En ce qui concerne les échanges commerciaux entre l'Iran et les cinq pays de l'Union économique eurasiatique (UEE), les autorités iraniennes ont noté une progression de 14% au cours des sept premiers mois de l'année 2020, pour un volume total d'au moins 7 millions de tonnes et à une valeur totale d'environ 2,5 milliards de dollars[15].

            Malgré les sanctions américaines et européennes, les exportations pétrolières iraniennes n'ont pas cessé et les efforts de pays arabes du Golfe (Arabie Saoudite), visant à compenser les effets des sanctions occidentales sur l'importation de pétrole dans certains pays par une hausse de la production pétrolière, rencontraient de nombreux limites et obstacles, comme les conséquences du conflit yéménite sur la sécurité des infrastructures pétrolières (sabotages, attaques de drone)[16]. Même le Qatar avait maintenu ses relations avec l'Iran lors de l'embargo de 2017-2021, pour des raisons énergétiques et stratégiques (gisements gaziers dans le Golfe repartis avec l'Iran, frontières avec les pays arabes voisins fermées)[17].

            Enfin, pour répondre au déploiement militaire américain en Asie et en Europe, la Russie et la Chine voient à travers l'Iran un nouveau partenaire pour garder une zone d'influence face à leurs rivaux occidentaux (États-Unis, OTAN,...), ainsi que protéger leurs alliés communs (le cas de la Syrie)[18]. L'adhésion iranienne à l'OCS ne fait que confirmer une alliance Russie-Chine-Iran qui s'imposera militairement et économiquement face à l'Occident, et ce, non seulement dans le Golfe, mais aussi dans l'Océan Indien, la mer de Chine voire en Europe.

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Source : fr.irna.ir/news/84529566/

        Téhéran (IRNA) - Le Corps des Gardiens de la Révolution islamique (CGRI) a publié des images de la confrontation contre un prétendu acte de piraterie américain visant une cargaison de carburant iranien.

        L'incident a eu lieu le 25 octobre 2021, mais les informations et les vidéos n’ont été rendues publiques qu’à partir du 3 novembre.

        Voici le communiqué de l'Agence de presse de la République islamique (IRNA) :

"Au cours de cet épisode, les forces américaines ont confisqué un tanker qui transportait une cargaison de pétrole iranien en mer stratégique d'Oman, transférant son envoi de brut dans un autre navire.

Le CGRI a donc organisé une opération maritime contre le deuxième navire, débarquant ses hélicoptères sur le pont et détournant le navire vers les eaux iraniennes.

Les images présentent l'incident en détail, montrant d'abord le commandement du renseignement de la marine des pasdarans et le réseau de collecte de renseignements détectant le navire chargé du brut volé.

La marine du CGRI est ensuite vue en train d'envoyer ses unités de réaction rapide dans la zone pour récupérer la cargaison.

Les commandos s'engagent alors dans une opération héliportée, qui comprend l'atterrissage de leur avion sur le deuxième navire, le débarquement des forces et la récupération de la cargaison volée.

Pendant ce temps, les unités de drones, les vedettes rapides et d'autres navires de la marine de l'IRGC soutiennent l'opération.

L'USS The Sullivans (DDG-68) et l'USS Michael Murphy (DDG-112), deux destroyers américains, sont alors vus s'approcher d'un deuxième pétrolier pour empêcher sa reprise, mais sont avertis par la marine des pasdarans.

Les images relayées de l'opération, quant à elles, montrent les navires américains impliqués et leurs équipages avec des détails saisissants.

Un communiqué publié par le bureau des relations publiques du CGRI, a déclaré qu'après l'opération héliportée, les forces américaines ont commencé à poursuivre le deuxième navire à l'aide de plusieurs hélicoptères et navires de guerre. Ils se sont cependant arrêtés avant de le capturer.

Les forces américaines ont ensuite envoyé d'autres navires de guerre pour bloquer le navire qui transportait le brut volé.

« Les Américains ont décidé de ne pas poursuivre l'opération et ont quitté la zone après avoir compris que les combattants courageux et ardents de la marine des pasdarans étaient prêts et déterminés à faire face à tout aventurisme et menace contre les intérêts de la nation iranienne », ajoute le communiqué.

Remerciant le Corps pour le succès de l'opération, le ministre iranien du Pétrole Javad Owji a déclaré que « les ennemis de l'Iran » avaient eu recours à la piraterie une fois réalisé que la République islamique était déterminée à exporter son carburant, cela malgré les sanctions des États-Unis contre le pays."

Source : fr.irna.ir/news/84529566/

Source : IRNA

            Août 2021. L'administration Biden signe la fin de l'intervention américaine en Afghanistan, après vingt ans de présence dans le pays, subissant guerre après guerre depuis l'invasion soviétique (1979)[1]. Pour répondre à ce désengagement, de nombreux acteurs régionaux se mobilisent pour assurer la stabilité de l'État récemment tombé aux mains des talibans[2]. Hormis la Russie, la Turquie et le Qatar pour des raisons géostratégiques (crise migratoire, stabilité du voisinage, intérêts nationaux), les plus impliqués dans la crise afghane demeurent les pays voisins de l'Afghanistan que sont l'Iran, le Pakistan, les pays d'Asie Centrale...et la Chine[3].

            Pays voisin de l'Afghanistan, partageant une frontière commune de 76 km et présent diplomatiquement dans le pays depuis 1955[4], la Chine reste plus engagée que jamais à investir dans son voisinage en général, et avait déjà avancé ses pions aux portes de l'Afghanistan notamment à travers la Route de la Soie (économie, infrastructures) ainsi que les alliances politiques et militaires (Iran, pays d'Asie Centrale)[5]. Malgré les instabilités, l'Afghanistan n'est pas négligé et reste un objet de convoitises pour le gouvernement chinois[6]. Les efforts diplomatiques et les nouvelles tentatives d'investissement nous l'illustrent très bien[7].

            En été 2021, de nombreuses rencontres en Chine, précisément à Pékin et à Tianjin, s'étaient déroulés entre les représentants afghans, talibans et chinois, pour assurer le maintien de la présence chinoise en Afghanistan et des engagements sécuritaires des talibans, et ce, pour diverses raisons[8].

            D'abord, l'Afghanistan se situant à proximité de la province chinoise du Xinjiang, à majorité musulmane (ouïghoure), en proie à la fois au séparatisme et au terrorisme islamique (attentats antichinois)[9].

            Ensuite, l'Afghanistan dispose d'importantes ressources naturelles (terres rares, lithium), vitales notamment à la fois pour l'industrie chinoise et pour les talibans à la recherche de soutiens économiques[10].

            Enfin, la Chine s'efforce à assurer l'intégrité territoriale du pays et la stabilité des pays dans lesquelles elle avait noué d'importants contrats énergétiques et infrastructurels, comme le Pakistan[11].

            Les discours des officiels chinois, dont le chef (Wang Yi) et les porte-paroles de la diplomatie et l'ambassadeur à Kaboul (M. Cong Peiwu), montrent que le gouvernement de Pékin avance ses pions en Afghanistan dans un discours sécuritaire et économique, et ce, dans un contexte de proximité géographique[12]. La Chine tient beaucoup à garder l'Afghanistan dans sa sphère d'influence.

            Depuis la fin des années 2000, les relations entre les pays occidentaux, Israël et la Turquie se sont tendues, et ce, pour plusieurs raisons. D'abord, les avancées des négociations d'entrée de la Turquie dans l'UE sont au point mort[1]. Puis, la question chypriote n'est toujours pas résolue suite au refus catégorique de la Turquie de reconnaitre la partie grecque ainsi que de retirer ses troupes militaires de la partie nord (turque) de l'île[2]. Enfin, la Turquie se tourne de plus en plus vers la Palestine, ce qui incite Israël à se tourner vers d'autres pays pour assurer ses intérêts nationaux[3].

            Suite aux tensions régionales, trois pays en Méditerranée orientale -Grèce, Chypre et Israël- ont signé d'importantes alliances militaires mais aussi énergétiques[4].

            Effectivement, différentes exercices aériens réunissant les trois pays, dont l'INIOCHOS en avril 2021, se sont déroulés en Grèce[5]. Cependant, les trois pays restent aussi concernés par l'approvisionnement énergétique[6]. Les gisements gaziers dans les eaux chypriotes et israéliennes ont donné une occasion unique pour non seulement assurer une autre voie d'alimentation que celle depuis la Russie et la Turquie avec le gazoduc Turkish Stream, mais aussi pour réduire la dépendance énergétique vis-à-vis de ces deux pays mentionnés ci-dessus[7]. En effet, Chypre, la Grèce et Israël ont récemment signé un projet de gazoduc (East Med) qui relierait les gisements gaziers de la Méditerranée orientale non seulement vers la Grèce, mais aussi vers l'Italie (!)[8]. De plus, pour améliorer le réseau électrique, les trois pays ont résolu la construction d'un câble sous-marin qui relierait Israël à la Grèce via Chypre[9]. Ces projets trilatéraux ont retenu l'attention de la Commission européenne, qui les reçoit comme étant bénéfique pour l'Europe et son approvisionnement gazier et électrique[10].

            Évidemment, cette alliance et son influence régionale restent aussi confrontées à des contraintes internes et locales. Les tensions israélo-arabes et leurs conséquences géopolitiques sur la scène internationale ont amené la Grèce et Chypre à maintenir des contacts séparés avec certains pays du voisinage, comme le Liban, la Palestine, ainsi que l'Égypte et la Jordanie[11]. Toutefois, les accords d'Abraham, ainsi que le forum PHILIA et le sommet de Paphos, ont donné la possibilité pour l'alliance trilatérale à accroître son réseau géopolitique en Europe comme au Moyen-Orient (pays arabes du Golfe)[12].

            Étant donné leur situation géographique et leur potentiel de corridor énergétique Est-Ouest de la Méditerranée, l'alliance Grèce-Chypre-Israël peut fournir à l'Occident un nouvel outil géopolitique, et même devenir sur la scène internationale un nouvel acteur incontournable en Méditerranée Orientale. En effet, non seulement les initiatives de l'alliance trouvent des soutiens auprès des pays membres de l'UE, comme la France et l'Italie, mais elles attirent l'attention et suscitent aussi de l'intérêt à l'autre bout de l'Atlantique (États-Unis)[13].

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