Accueil > Maroc-Algérie : une nouvelle course à l'armement régional
Depuis la reconnaissance de la marocanité du Sahara occidental, en échange du rétablissement des relations diplomatiques entre le Maroc et Israël, les médias officiels ont à nouveau abordé une ancienne rivalité régionale : celle existant entre le Maroc et l'Algérie[1].
En effet, l'annexion du Sahara Occidental par le Maroc après le départ des Espagnols en 1975, avait débouché sur l'avènement du Front Polisario (abréviation espagnole de Front populaire de libération de la Saguia el-Hamra et du Rio de Oro) qui réclamait l'indépendance de cette ancienne colonie espagnole[2]. Or, l'Algérie avait reconnu la République arabe sahraouie démocratique (RASD), et cela avait débouché sur une rupture diplomatique avec le voisin marocain, de 1976 jusqu'en 1988[3]. Durant la même période, de 1975 à 1991, une guerre éclata entre le Maroc et le Front Polisario, soutenu par l'Algérie. Elle se termina par un cessez-le-feu[4].
Malgré tout, les rivalités entre Algérie et Maroc n'ont jamais disparu et de nos jours, leurs contacts restent généralement réduits[5]. D'abord, les frontières terrestres sont fermées depuis 1994 puis, depuis fin aout 2021, l'espace aérien algérien est fermé aux avions marocains, et depuis septembre 2021, les relations diplomatiques rompues[6]. De plus, contrairement au Maroc, l'Algérie n'a jamais noué de relations avec Israël, et demeure un des états du monde les plus mobilisés pour la cause palestinienne[7].
Ensuite, le gouvernement d'Alger accueille toujours les camps de réfugiés sahraouis dans la ville de Tindouf, ainsi que le quartier général du Front Polisario[8]. En novembre 2020, l'abrogation du cessez-le-feu par le Front Polisario, a abouti à une résurgence des tensions dans la région : échanges de tirs sahraouis avec les forces marocaines et tirs de drones ayant abouti à la mort de trois chauffeurs algériens[9].
Cependant, derrière les tensions algéro-marocaines figurent d'importantes luttes d'influences à la fois politiques et militaires[10]. Traditionnellement, le Maroc en tant qu'«allié majeur non-membre de l’OTAN» (depuis 2004), est principalement fourni en armements occidentaux (France, États-Unis), alors que l'Algérie est fournie militairement par la Russie et la Chine[11]. En matière de chars, l'Algérie aligne entre 1 300 et 2 000 chars modernes de types T72 M1M ou AG et T-90SA, alors que le Maroc totalise 700 chars et atteindra, avec la livraison du contrat de chars Abrams, environ 1 000 tanks[12].
Concernant les capacités aériennes, l’Algérie devrait être le premier client des nouveaux avions de chasse russe Sukhoï 57 «qui n’ont encore jamais été vendus à l’export»[13]. Tandis que le Maroc dispose de 73 chasseurs/bombardiers légers, dont les plus récents sont les 23 F16 acquis récemment. L'Algérie, quant à elle, dispose d'une flotte moderne composée de 58 chasseurs multirôles Sukhoï 30 MKA, d'une quinzaine de MiG29S et d'une quarantaine de bombardiers Su24[14]. Enfin, pour le système de défense anti-aérien sol-air, le Maroc possède des systèmes américains Patriot, tandis que l’Algérie, l’équivalent russe avec le système S-300[15].
Plus que jamais, les dépenses militaires dans les deux pays augmentent d'année en année. Rien qu'en 2018, ils captaient 61 % des importations d’armes en Afrique[16].
D'après les données statistiques de l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (SIPRI), l’Algérie a dépensé en 2019 plus de 10,33 milliards de dollars (9,7 en 2020) dans l’achat d’armement[17]. Toujours d'après le SIPRI, c’est le pays qui a le plus dépensé en Afrique (plus du quart des dépenses africaines), suivi du Maroc avec 3,76 milliards de dollars (4,8 en 2020)[18].
Au Maroc, le projet de loi des finances 2022 prévoit une augmentation historique du budget militaire, principalement dédié à l’acquisition d’armes et au renforcement du personnel des forces armées marocaines, qui devrait passer de 4,295 milliards d’euros en 2021 à 4,8 milliards d’euros en 2022[19]. De son côté, le ministère de la Défense nationale algérienne sera doté d’un budget global de 1300 milliards de dinars, soit 9,5 milliards de dollars (8,35 milliards d'euros)[20]. Par rapport aux années précédentes, l'Algérie a augmenté son budget militaire de presque 80 milliards de dinars, à savoir l’équivalent de 590 millions de dollars (environ 519 millions d'euros)[21].
Le Maroc et l'Algérie continuent de garder la tradition d'investir massivement dans le domaine militaire, en vue d'un leadership non seulement dans le Maghreb, mais aussi sur l'Afrique.
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